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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/114

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et meublées, parquoy il est maintenant temps de les aller voir au logis.

Pour donc prendre ceste matiere un peu de haut, combien que nos Toüoupinambaoults reçoivent fort humainement les estrangers amis qui les vont visiter, si est-ce neantmoins que les François et autres de par-deçà qui n’entendent pas leur langage, se trouvent du commencement merveilleusement estonnez parmi eux. Et de ma part la premiere fois que je les frequentay, qui fut trois semaines apres que nous fusmes arrivez en l’isle de Villegagnon, qu’un truchement me mena avec luy en terre ferme en quatre ou cinq villages : quand nous fusmes arrivez au premier nommé Yabouraci en langage du pays, et par les François Pepin (à cause d’un navire qui y chargea une fois, le maistre duquel s’appeloit ainsi) qui n’estoit qu’à deux lieuës de nostre fort : me voyant tout incontinent environné de sauvages, lesquels me demandoyent, Marapé-dereré, marapé-dereré, c’est à dire, Comment as-tu nom, comment as-tu nom, (à quoy pour lors je n’entendois que le haut Allemand) et au reste l’un ayant prins mon chapeau qu’il mit sur sa teste, l’autre mon espée et ma ceinture qu’il ceignit sur son corps tout nud, l’autre ma casaque qu’il vestit : eux, di-je, m’estourdissans de leurs crieries et courans de ceste façon parmi leurs villages avec mes hardes, non seulement je pensois avoir tout perdu, mais aussi je ne savois où j’en estois. Mais comme l’experience m’a monstré plusieurs fois depuis, ce n’estoit que faute de savoir leur maniere de faire : car faisant le mesme à tous ceux qui les visitent, et principalement à ceux qu’ils n’ont point encor veus : apres qu’ils se sont un peu ainsi jouez des besongnes d’autruy, ils rapportent et rendent le tout à ceux à qui elles appartiennent. Là dessus le truchement