Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/115

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m’ayant adverti qu’ils desiroyent sur tout de savoir mon nom, mais que de leur dire Pierre, Guillaume ou Jean, eux ne les pouvans prononcer ni retenir (comme de faict, au lieu de dire Jean ils disoyent Nian), il me falloit accommoder de leur nommer quelque chose qui leur fust cognue : cela (comme il me dit) estant si bien venu à propos que mon surnom Lery, signifie une huitre en leur langage, je leur dis que je m’appellois Lery-oussou : c’est à dire une grosse huitre. Dequov eux se tenans bien satisfaicts, avec leur admiration Teh ! se prenans à rire, dirent : Vrayement voila un beau nom, et n’avions point encores veu de Mair, c’est à dire François, qui s’appelast ainsi. Et de faict, je puis asseurément dire que jamais Circé ne metamorphosa homme en une si belle huitre, ne qui discourust si bien avec Ulisses que j’ay depuis ce temps-là fait avec nos sauvages. Sur quoy faut noter qu’ils ont la memoire si bonne, qu’aussi tost que quelqu’un leur a une fois dit son nom, quand par maniere de dire, ils seroyent cent ans apres sans le revoir, ils ne l’oublieront jamais : je diray tantost les autres ceremonies qu’ils observent à la reception de leurs amis qui les vont voir. Mais pour le present poursuyvant à reciter une partie des choses notables qui m’advinrent en mon premier voyage parmi les Toüoupinambaoults, le truchement et moy, qui de ce mesme jour, passans plus outre fusmes coucher en un autre village nommé Euramiri (les François l’appellent Goset, à cause d’un truchement ainsi nommé qui s’y estoit tenu) trouvans, sur le soleil couchant que nous y arrivasmes, les sauvages dansans et achevans de boire le caouin d’un prisonnier qu’ils avoyent tué n’y avoit pas six heures, duquel nous vismes les pieces sur le boucan : ne demandez pas si à ce commencement je