Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/121

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ces deux bois, qui sont ainsi comme entrefichez l’un dans l’autre, il sort non seulement de la fumée, mais aussi une telle chaleur, qu’ayans du cotton, ou des fueilles d’arbres bien seiches toutes prestes (ainsi qu’il faut avoir par deçà le drapeau bruslé, ou autre esmorce aupres du fusil), le feu s’y emprend si bien que j’asseure ceux qui m’en voudront croire, en avoir moy-mesme fait de ceste façon. Non pas cependant que pour cela je vueille dire, moins croire ou faire accroire, ce que quelqu’un a mis en ses escrits : assavoir que les sauvages de l’Amerique (qui sont ceux dont je parle à present) avant ceste invention de faire feu, seichoyent leurs viandes à la fumée : car tout ainsi que je tien ceste maxime de Physique tournée en proverbe estre tres-vraye ; assavoir qu’il n’y a point de feu sans fumée, aussi par le contraire estimé-je celuy n’estre pas bon naturaliste qui nous veut faire accroire qu’il y a de la fumée sans feu. J’entend de la fumée, laquelle, comme celui dont je parle veut donner à entendre, puisse cuire les viandes : tellement que si pour solution il vouloit dire qu’il a entendu parler des vapeurs et exhalations, encores qu’on luy accorde qu’il y en ait de chaudes, tant y a qu’attendu que tant s’en faut qu’elles les puissent seicher, qu’au contraire, fust chair ou poisson, elles les rendroyent plus tost moites et humides : la response sera, que cela est se moquer du monde. Partant puisque cest aucteur, tant en sa Cosmographie qu’ailleurs, se plaind si fort et si souvent de ceux, lesquels ne parlans pas à son gré des matieres qu’il touche, il dit n’avoir pas bien leu ses escrits : je prie les lecteurs d’y bien notter le passage ferial que j’ay conté de sa nouvelle chaude, et sogrenue fumée, laquelle je lui renvoye en son cerveau de vent.

Retournant donc à parler du traitement que les sauvages