Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/122

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font à ceux qui les vont visiter : apres, qu’en la maniere que j’ay dit, leurs hostes ont beu et mangé, et se sont reposez, ou ont couché en leurs maisons : s’ils sont honnestes, ils baillent ordinairement des cousteaux, ou des cizeaux, ou bien des pincettes à arracher la barbe aux hommes : aux femmes, des peignes et des mirouers : et encores aux petits garçons des haims à pescher. Que si au reste on a affaire de vivres ou autres choses de ce qu’ils ont, ayant demandé que c’est qu’ils veulent pour cela, quand on leur a baillé ce dequoy on sera convenu, on le peut emporter et s’en aller. Au surplus, parce, comme j’ay dit ailleurs, que n’ayans chevaux, asnes, ny autres bestes qui portent ou charient en leur pays, la façon ordinaire estant d’y aller à beaux pieds sans lance : si les passans estrangers se trouvent las, presentans un cousteau ou autres choses aux sauvages, prompts qu’ils sont à faire plaisir à leurs amis, ils s’offriront pour les porter. Comme de fait, durant que j’estois par delà, il y en a eu tels qui nous ayans mis la teste entre les cuisses et les jambes pendantes sur leurs ventres, nous ont ainsi portez sur leurs espaules plus d’une grande lieuë sans se reposer : de façon que si pour les soulager, nous les voulions quelques fois faire arrester, eux se mocquans de nous, disoyent en leur langage : Et comment ? pensez-vous que nous soyons des femmes, ou si lasches et foibles de coeur, que nous puissions defaillir sous le faix ? Plustost, me dit une fois un, qui m’avoit sur son col, je te porterois tout un jour sans cesser d’aller : tellement que nous autres de nostre costé rians à gorge desployée sur ces Traquenards à deux pieds, les voyans si bien deliberez en leur applaudissans et mettans encores (comme on dit) d’avantage le coeur au ventre, leur disions, allons doncques tousjours.