Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/133

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nous ne le verrons plus jusques à ce que nous soyons derriere les montagnes, où, ainsi que nous enseignent nos Caraibes, nous danserons avec luy, et autres semblables propos qu’ils adjoustent.

Or ces querimonies durans ordinairement demi-jour (car ils ne gardent gueres leurs corps morts davantage) apres que la fosse aura esté faite, non pas longue à nostre mode, ains ronde et profonde comme un grand tonneau à tenir le vin, le corps qui aussi incontinent apres avoir esté expiré, aura esté plié, les bras et les jambes liez à l’entour, sera ainsi enterré presques tout debout : mesme (comme j’ay dit) si c’est quelque bon vieillard qui soit decedé, il sera ensepulturé dans sa maison, enveloppé de son lict de cotton, voire on enterrera avec luy quelques coliers, plumasseries et autres besongnes qu’il souloit porter quand il estoit en vie. Sur lequel propos on pourroit alleguer beaucoup d’exemples des anciens qui en usoyent de ceste façon : comme ce que Josephe dit qui fut mis au sepulchre de David : et ce que les histoires prophanes tesmoignent de tant de grands personnages qui apres leur mort, ayans esté ainsi parez de joyaux fort precieux, le tout est pourri avec leurs corps. Et pour n’aller plus loin de nos Ameriquains (comme nous avons jà allegué ailleurs), les Indiens du Peru, terre continente à la leur, enterrans avec leurs Rois et Caciques grande quantité d’or et de pierres precieuses : plusieurs Espagnols de ceux qui furent les premiers en ceste contrée là, recerchans les despouilles de ces corps morts, jusques aux tombeaux et crotes où ils sçavoyent les trouver, en furent grandement enrichis. De maniere qu’on peut bien appliquer à tels avaricieux, ce que Plutarque dit que la Royne Semiramis avoit fait engraver en la pierre de sa sepulture :