Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/134

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assavoir par le dehors tourné en vers François, comme s’ensuit,


Quiconque soit le Roy de pecune indigent,
Ce tombeau ouvert prenne autant qu’il veut d’argent.


Puis celuy qui l’ouvrit y pensant trouver grand butin, au lieu de cela vid ceste escriture par le dedans :


Si tu n’estois meschant insatiable d’or,
Jamais n’eusses fouillé des corps morts le thresor.


Toutesfois pour retourner à nos Toüoupinambaoults, depuis que les François ont hanté parmi eux, ils n’enterrent pas si coustumierement les choses de valeur avec leurs morts, qu’ils souloyent faire auparavant : mais, ce qui est beaucoup pire, oyez la plus grande superstition qui se pourroit imaginer, en laquelle ces pauvres gens sont detenus. Dés la premiere nuict d’apres qu’un corps, à la façon que vous avez entendu, a esté enterré, eux croyans fermement que si Aygnan, c’est à dire le diable en leur langage, ne trouvoit d’autres viandes toutes prestes aupres, qu’il le deterreroit et mangeroit : non seulement ils mettent de grands plats de terre pleins de farine, volailles, poissons et autres viandes bien cuictes, avec de leur bruvage dit Caouin, sus la fosse du desfunct, mais aussi jusqu’à ce qu’ils pensent que le corps soit entierement pourri, ils continuent à faire tels services vrayement diaboliques : duquel erreur il nous estoit tant plus mal aisé de les divertir, que les truchemens de Normandie qui nous avoyent precedez en ce pays-là, à l’imitation des prestres de Bel, desquels il est fait mention en l’Escriture, prenans de nuict ces bonnes viandes pour les manger, les y avoyent tellement