Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/135

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entretenus, voire confirmez, que quoy que par l’experience nous leur monstrissions que ce qu’ils y mettoyent le soir s’y retrouvoit le lendemain, à peine peusmes nous persuader le contraire à quelques uns. Tellement qu’on peut dire que ceste resverie des sauvages n’est pas fort differente de celle des rabins docteurs Judaiques : ni de celle de Pausanias. Car les rabins tiennent que le corps mort est laissé en la puissance d’un diable qu’ils nomment Zazel ou Azazel, lequel ils disent estre appelé prince du desert, au Levitique : et mesmes pour confirmer leur erreur, ils destournent ces passages de l’Escriture où il est dit au serpent, Tu mangeras la terre tout le temps de ta vie : Car, disent-ils, puisque nostre corps est créé du limon et de la poudre de la terre, qui est la viande du serpent, il luy est suject jusques à ce qu’il soit transmué en nature spirituelle. Pausanias semblablement raconte d’un autre diable nommé Eurinomus, duquel les interpreteurs des Delphiens ont dit qu’il devoroit la chair des morts, et n’y laissoit rien que les os, qui est en somme, ainsi que j’ay dit, le mesme erreur de nos Ameriquains.

Finalement quant à la maniere que nous avons monstré au chapitre precedent, les sauvages renouvellent et transportent leurs villages en autres lieux, mettans sur les fosses des trespassez de petites couvertures de ceste grande herbe qu’ils nomment Pindo, non seulement les passans, par ce moyen, y recognoissent forme de cimetiere, mais aussi quand les femmes s’y rencontrent, ou autrement quand elles sont par les bois, si elles se ressouviennent de leurs feus maris, ce sera, faisant les regrets accoustumez, à hurler de telle façon qu’elles se font ouyr de demie lieuë. Parquoy les laissant pleurer tout leur saoul, puis que j’ay poursuyvi les sauvages jusques à la fosse, je mettrai