Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

livres tournois, et vivres du pays que nous avions promis payer et fournir, comme nous fismes au maistre du navire dans lequel nous repassasmes la mer.

Mais suyvant ce que j’ay promis ailleurs, avant que passer plus outre il faut que je declare ici comment Villegagnon se porta envers nous à nostre departement de l’Amerique. D’autant donc que faisant le Vice-Roy en ce pays-là, tous les mariniers François qui y voyageoyent n’eussent rien osé entreprendre contre sa volonté : pendant que ce vaisseau où nous repassasmes estoit à l’ancre et à la rade en ceste riviere de Genevre, où il chargeoit pour s’en revenir : non seulement Villegagnon nous envoya un congé signé de sa main, mais aussi il escrivit une lettre au maistre dudit navire, par laquelle il luy mandoit qu’il ne fist point de difficulté de nous repasser pour son esgard : Car, disoit-il frauduleusement, tout ainsi que je fus joyeux de leur venue, pensant avoir rencontré ce que je cerchois, aussi, puisqu’ils ne s’accordent pas avec moy, suis-je content qu’ils s’en retournent. De maniere que sous ce beau pretexte, il nous avoit brassé la trahison que vous orrez : c’est qu’ayant donné à ce maistre de navire un petit coffret enveloppé de toile cirée (à la façon de la mer) plein de lettres qu’il envoyoit par-deça à plusieurs personnes, il y avoit aussi mis un proces, qu’il avoit fait et formé contre nous et à nostre desceu, avec mandement expres au premier juge auquel on le bailleroit en France, qu’en vertu d’iceluy il nous retinst et fist brusler, comme heretiques qu’il disoit que nous estions : tellement qu’en recompense des services que nous luy avions faits, il avoit comme seellé et cacheté nostre congé de ceste desloyauté, laquelle neantmoins (comme il sera veu en son lieu) Dieu par sa providence admirable