Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/160

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fit redonder à nostre soulagement et à sa confusion.

Or apres que ce navire qu’on appeloit le Jacques fut chargé de bois de Bresil, poivre long, cottons, guenons, sagouins, perroquets et autres choses rares par-deça, dont la pluspart de nous s’estoyent fournis auparavant, le quatriesme de janvier 1558 prins à la nativité nous nous embarquasmes pour nostre retour. Mais encor, avant que nous mettre en mer, à fin de mieux faire entendre que Villegagnon est seul cause que les François n’ont point anticipé et ne sont demeurez en ce pays-là, je ne veux oublier à dire, qu’un nommé Fariban de Rouan, qui estoit capitaine en ce vaisseau, ayant à la requeste de plusieurs notables personnages, faisans profession de la Religion reformée au Royaume de France, fait expressement ce voyage pour explorer la terre et choisir promptement lieu pour habiter, nous dit que n’eust esté la revolte de Villegagnon on avoit dés la mesme année deliberé de passer sept ou huict cens personnes dans de grandes hourques de Flandres pour commencer de peupler l’endroit où nous estions. Comme de faict je croy fermement si cela ne fust intervenu, et que Villegagnon eust tenu bon, qu’il y auroit à present plus de dix mille François, lesquels outre la bonne garde qu’ils eussent fait de nostre isle et de nostre fort (contre les Portugais qui ne l’eussent jamais sceu prendre comme ils ont fait depuis nostre retour) possederoyent maintenant sous l’obeissance du Roy un grand pays en la terre du Bresil, lequel à bon droit, en ce cas, on eust peu continuer d’appeler France Antarctique.

Ainsi reprenant mon propos, parce que ce n’estoit qu’un moyen navire marchand où nous repassasmes, le maistre d’icelle dont j’ay jà parlé, nommé Martin Baudouin du Havre de Grace, n’ayant qu’environ