Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Bresil : en laquelle (comme je diray à la fin de ceste histoire) estans abordez à grande difficulté, retournez qu’ils furent vers Villegagnon, il fit mourir les trois premiers pour la confession de l’Evangile.

Ainsi nous ayans appareillé et mis voiles au vent, nous nous rejettasmes derechef en mer dans ce vieil et meschant vaisseau, auquel, comme en un sepulchre, nous attendions plus tost mourir que de vivre. Et de faict, outre que nous passasmes les dites Basses à grande difficulté, non seulement tout le mois de Janvier nous eusmes continuelles tourmentes, mais aussi nostre navire ne cessant de faire grande quantité d’eau, si nous n’eussions esté incessamment apres à la tirer aux pompes, nous fussions (par maniere de dire) peris cent fois le jour : et navigasmes long temps en telle peine.

Ayans doncques avec tel travail esloigné la terre ferme de plus de deux cens lieuës, nous eusmes la veue d’une isle inhabitable, aussi ronde qu’une tour, laquelle à mon jugement peut avoir demie lieuë de circuit. Mais au reste comme nous la costoiyons et laissions à gauche, nous vismes qu’elle estoit non seulement remplie d’arbres tous verdoyans en ce mois de janvier, mais aussi il en sortoit tant d’oyseaux, dont beaucoup se vindrent reposer sur les mats de nostre navire, et s’y laissoyent prendre à la main, que vous eussiez dit, la voyant ainsi un peu de loin, que c’estoit un colombier. Il y en avoit de noirs, de gris, de blanchastres et d’autres couleurs, qui tous en volans paroissoyent fort gros : mais cependant quand ceux que nous prismes furent plumez, il n’y avoit gueres plus de chair en chacun qu’en un passereau.

Semblablement, environ deux lieuës à main dextre nous apperceusmes des rochers sortans de la mer aussi pointus que clochers : ce qui nous donna grande