Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/166

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crainte qu’il n’y en eust à fleur d’eau, contre lesquels nostre vaisseau se fust peu froisser, et nous, si cela fust advenu, quittes d’en tirer l’eau. En tout nostre voyage, durant pres de cinq mois que nous fusmes sur mer à nostre retour, nous ne vismes autre terre que ces islettes : lesquelles nos maistres et pilotes ne trouverent pas encores marquées en leurs cartes marines, et possible aussi n’avoyent elles jamais esté descouvertes.

Sur la fin du mois de febvrier, estans parvenus à trois degrez de la ligne Equinoctiale, parce que pres de sept sepmaines s’estoyent passées sans que nous eussions fait la tierce partie de nostre route, et cependant nos vivres diminuoyent fort, nous fusmes en deliberation de relascher au Cap saint Roc, habité de certains sauvages : desquels, comme aucuns des nostres disoyent, il y avoit moyen d’avoir des refraischissemens. Toutesfois la pluspart furent d’avis que plustost, pour espargner les vivres, on tuast une partie des guenons et des perroquets que nous apportions, et que nous passissions outre : ce qui fut fait.

Au surplus, j’ay declairé au quatriesme chapitre les peines et travaux que nous eusmes en allant, d’approcher l’Equateur : mais ayant veu par experience (ce que tous ceux qui ont passé la Zone torride sçavent bien aussi) qu’on n’est pas moins empesché en revenant du costé du pole antarctique en deçà, j’adjousteray icy ce qui me semble naturellement pouvoir causer telles difficultez. Presupposant doncques que ceste ligne Equinoctiale tirant de l’Est à l’Ouest, soit comme le dos et l’eschine du monde, à ceux qui voyagent du Nord au Sud, et au reciproque (car autrement je sçay bien qu’il n’y a ne haut ny bas en une boule considerée en soy) je dy, en premier lieu, que pour aborder d’une part ou d’autre on n’a pas seulement peine de monter à