Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/167

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ceste sommité du monde, mais aussi, quand il est question de la mer les courans qui peuvent estre des deux costez, sans qu’on les apperçoive au milieu de telle abysme d’eau, ensemble les vents inconstans qui sortent de cest endroit comme de leur centre, et qui soufflent oppositement l’un à l’autre, repoussent tellement les vaisseaux navigables, que ces trois choses, à mon advis, font que l’Equateur est ainsi de difficile accez, et ce qui me confirme en mon opinion est, qu’aussi tost qu’on est seulement environ un degré par delà en allant, ou un par deçà en retournant, les mariniers s’esjouissans à merveilles d’avoir, par maniere de dire, ainsi franchi ce saut, en bien esperans du voyage, exhortent un chacun à manger ses refraischissemens : c’est à dire, ce qu’on avoit tousjours soigneusement gardé, estant en incertitude si on pourroit passer outre ou non. De maniere que quand les navires sont sur le panchant du globe, coulant comme en bas, elles ne sont pas empeschées de la façon qu’elles ont esté en y montant. Joint que toutes les mers s’entretenans l’une l’autre, sans que par l’admirable puissance et providence de Dieu elles puissent couvrir la terre, quoy qu’elles soyent plus hautes, et fondées sur icelle, ains seulement la divisent en plusieurs isles et parcelles, lesquelles semblablement j’estime estre toutes conjointes, et comme liées par racines, si ainsi faut parler, au profond et en l’interieur des gouffres : ce gros amas d’eaux, di-je, estant ainsi suspendu avec la terre, et tournant comme sur deux pivots (lesquels j’imagine aux deux quadrangles opposites de ceux des poles, tellement que les quatre font deux croisées en rond et en demi-cercle qui environnent toute la sphere) en perpetuel mouvement, comme les marées et les flus et reflus le demonstrent evidemment : et ce mouvement