Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/170

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je croy qu’il n’y a point de solution plus certaine à ceste question, sinon celle que Dieu luy-mesme allegue à Job : quand entre autres choses pour luy monstrer que les hommes, quelques subtils qu’ils puissent estre, ne sçauroyent atteindre à comprendre toutes ses oeuvres magnifiques, moins la perfection d’icelles : il luy dit, Es tu entré ès thresors de la neige ? et as tu veu aussi les thresors de la gresle ? Comme si l’Eternel ce tres-grand et tres-excellent ouvrier disoit à son serviteur Job : En quel grenier tien-je ces choses à ton advis ? en donnerois-tu bien la raison ? nenni, il ne t’est pas possible, tu n’es pas assez sçavant.

Ainsi retournant à mon propos, apres que le vent du Surouest nous eust poussé et tiré de ces grandes chaleurs, au milieu desquelles nous fussions plustost rostis qu’en purgatoire : avançans au deçà, nous commençasmes à revoir nostre pole arctique, duquel nous avions perdu l’elevation il y avoit plus d’un an. Mais au reste pour eviter prolixité, renvoyant les lecteurs ès discours que j’ay fait cy devant, traitant des choses remarquables que nous vismes en allant, je ne reitereray point icy ce qui a jà esté touché, tant des poissons volans, qu’autres monstrueux et bigerrés de diverses especes qui se voyent sous ceste zone torride.

Pour doncques poursuyvre la narration des extremes dangers, d’où Dieu nous delivra sur mer à nostre retour, comme ainsi fust qu’il y eust querelle entre nostre contremaistre et nostre pilote (à cause de quoy et par despit l’un de l’autre ils ne faisoyent pas leur devoir en leur charge) ainsi que le vingt sixiesme de mars ledit pilote faisant son quart, c’est à dire, conduisant trois heures, faisoit tenir toutes voiles hautes et desployées, ne s’estant point pris garde d’un grain, c’est à dire, tourbillon de vent qui se preparoit, il le