Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/175

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quant à la mer du Ponent, je diray ce que j’en ay veu, et à quoy elle y sert. La sonde donc estant un engin de plomb, fait de la façon d’une moyenne quille de bois, dequoy on jouë ordinairement és places et jardins, percée qu’elle est par le bout plus pointu, apres que les mariniers y ont passé et attaché autant de cordeaux qu’il faut, mettant et plaçant du suif ou autre graisse sur le plat de l’autre bout : quand ils approchent le port, ou estiment estre en lieu où ils pourront ancrer, la filant et laissant ainsi filer jusques en bas, quand ils l’ont retirée, s’ils voyent qu’il y ait du gravier fiché et retenu en ceste graisse, c’est signe qu’il y a bon fond : car autrement, et si elle ne rapporte rien, ils concluent que c’est fange ou rocher, où l’ancre ne pourroit prendre ny mordre, et partant faut aller sonder ailleurs. C’est ce que j’ay voulu dire en passant pour relever l’erreur susdite : car outre que tous ceux qui ont esté en la pleine mer Occeane tesmoigneront qu’il est du tout impossible d’y trouver fond, quand bien, par maniere de dire, on auroit tous les cordages du monde, tellement que quand on a vent il faut aller nuict et jour sans nul arrest, et en temps calme floter et demeurer tout court (parce que les navires ne sçauroyent aller à rames comme les galeres), on voit, di-je, par la que ces abysmes et gouffres estans du tout insondables, c’est une faribole de dire qu’on rapporte de la terre pour cognoistre en quel pays on est. Parquoy si cela se fait ès autres mers comme en la Mediterranée, ou par terre en passant pays ès deserts d’Affrique, où aussi ainsi qu’on a escrit, on se conduit par les estoilles et par le cadran marin, je m’en rapporte à ce qui en est : mais pour l’esgard de la mer du Ponent, je maintien ce que j’ay dit estre veritable.

Estans doncques sortis de ceste mer herbue, parce