Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/190

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jours à Blavet, nous allasmes à Hanebon, petite ville à deux lieuës de là : en laquelle durant quinze jours que nous y fusmes, nous nous fismes traitter selon le conseil des Medecins. Mais quelque bon regime que nous peussions tenir, la pluspart devindrent enflez depuis la plante des pieds jusques au sommet de la teste : et n’y eut que moy et deux ou trois autres qui le fusmes seulement depuis la ceinture en bas. Davantage ayans tous un cours de ventre, et tel desvoyement d’estomach, qu’impossible estoit de rien retenir dans le corps, n’eust esté une certaine recepte qu’on nous enseigna : assavoir du jus d’hedera terrestris, du ris bien cuit, lequel osté de dessus le feu il faut faire estouffer dans le pot avec force vieux drapeaux, puis prendre des moyeufs d’œuf, et mesler le tout ensemble dans un plat sur un rechaut : ayans di-je mangé cela avec des cueillers, comme de la boulie, nous fusmes soudain rafermis : et croy sans ce moyen que Dieu nous suscita que dans peu de jours ce mal nous eust tous emportez.

Voila en somme quel fut nostre voyage, lequel à la verité, si on considere que nous avons navigé environ septante trois degrez, revenant à pres de deux mille lieuës Françoises tirant de Nord au Su, ne sera pas estimé des plus petits. Mais, à fin de donner l’honneur à qui il appartient, qu’est-ce en comparaison de celuy de cest excellent Pilote Jean Sebastien de Cano Espagnol, lequel ayant circuit tout le globe, c’est à dire, environné toute la rotondité de l’univers (ce que je croy qu’homme avant luy n’avoit jamais fait) estant de retour en Espagne, à bon droit fit peindre un monde pour ses armoiries, à l’entour desquelles il mit pour devise, Primus me circumdedisti : c’est à dire, tu es le premier qui m’as environné.

Or pour parachever ce qui reste de nos delivrances,