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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/26

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large comme ils les portent maintenant) ils les peuvent faire teindre en vert s’il leur plaist.

Au reste, parce que nos Toüoupinambaoults sont fort esbahis de voir les François et autres des pays lointains prendre tant de peine d’aller querir leur Arabotan, c’est à dire, bois de Bresil, il y eut une fois un vieillard d’entre eux, qui sur cela me fit telle demande : Que veut dire que vous autres Mairs et Peros, c’est à dire François et Portugais, veniez de si loin querir du bois pour vous chauffer ? n’en y a-il point en vostre pays ? A quoy luy ayant respondu qu’ouy, et en grande quantité, mais non pas de telles sortes que les leurs, ni mesme du bois de Bresil, lequel nous ne bruslions pas comme il pensoit, ains (comme eux-mesmes en usoyent pour rougir leurs cordons de cotton, plumages et autres choses) que les nostres l’emmenoyent pour faire de la teinture, il me repliqua soudain : Voire, mais vous en faut-il tant ? Ouy, lui di-je, car (en luy faisant trouver bon) y ayant tel marchand en nostre pays qui a plus de frises et de draps rouges, voire mesme (m’accommodant tousjours à luy parler des choses qui luy estoyent cognues) de cousteaux, ciseaux, miroirs et autres marchandises que vous n’en avez jamais veu par deça, un tel seul achetera tout le bois de Bresil dont plusieurs navires s’en retournent chargez de ton pays. Ha, ha, dit mon sauvage, tu me contes merveilles. Puis ayant bien retenu ce que je luy venois de dire, m’interrogant plus outre dit, Mais cest homme tant riche dont tu me parles, ne meurt-il point ? Si fait, si fait, luy di-je, aussi bien que les autres. Sur quoy, comme ils sont aussi grands discoureurs, et poursuyvent fort bien un propos jusques au bout, il me demanda derechef, Et quand doncques il est mort, à qui est tout le bien