Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/28

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autres, ils fussent tous confinez parmi eux. Il falloit qu’à nostre grande honte, et pour justifier nos sauvages du peu de soin qu’ils ont des choses de ce monde, je fisse ceste digression en leur faveur. A quoy, à mon advis, bien à propos, je pourray encor adjouster ce que l’historien des Indes Occidentales a escrit d’une certaine nation de sauvages habitans au Peru : lesquels, comme il dit, quand du commencement que les Espagnols rodoyent en ce pays-là : tant à cause qu’ils les voyoient barbus, que parce qu’estans si bragards et mignons ils craignoyent qu’ils ne les corrompissent et changeassent leurs anciennes coustumes, ne les voulans recevoir, ils les appelloyent : Escume de la mer, gens sans peres, hommes sans repos, qui ne se peuvent arrester en aucun lieu pour cultiver la terre, à fin d’avoir à manger.

Poursuyvant doncques à parler des arbres de ceste terre d’Amerique, il s’y trouve de quatre ou cinq sortes de Palmiers, dont entre les plus communs, sont un nommé par les sauvages Geraü, un autre Yri : mais comme ni aux uns ni aux autres je n’ay jamais veu de dattes, aussi croy-je qu’ils n’en produisent point. Bien est vray que l’Yri porte un fruict rond comme prunelles serrées et arrengées ensemble, ainsi que vous diriez un bien gros raisin : tellement qu’il y a en un seul touffeau tant qu’un homme peut lever et emporter d’une main : mais encor n’y a-il que le noyau, non plus gros que celuy d’une cerise, qui en soit bon. Davantage il y a un tendron blanc entre les fueilles à la cime des jeunes Palmiers, lequel nous coupions pour manger : et disoit le sieur du Pont, qui estoit sujet aux hemorroides, que cela y servoit de remede : dequoy je me rapporte aux medecins.