Aller au contenu

Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de nos forests, mais aussi quand il est meur, se fendant ainsi en quatre, le cotton (que les Ameriquains appellent Ameni-jou) en sort par touffeaux ou floquets, gros comme esteuf : au milieu desquels il y a de la graine noire, et fort serrée ensemble, en forme d’un roignon, non plus gros ni plus long qu’une febve : et savent bien les femmes sauvages amasser et filer le cotton pour faire des licts de la façon que je diray ailleurs.

Davantage combien qu’anciennement (ainsi que j’ay entendu) il n’y eust ni orangiers ou citronniers en ceste terre d’Amerique, tant y a neantmoins que les Portugais en ayant planté et edifié sur les rivages et lieux proches de la mer où ils ont frequenté, ils n’y sont pas seulement grandement multipliez, mais aussi ils portent des oranges (que les sauvages nomment Morgon-ja) douces et grosses comme les deux poings, et des citrons encores plus gros et en plus grande abondance.

Touchant les cannes de succre, elles croissent fort bien et en grande quantité en ce pays-là : toutesfois nous autres François n’ayans pas encores, quand j’y estois, les gens propres ni les choses necessaires pour en tirer le sucre (comme les Portugais ont és lieux qu’ils possedent par-delà), ainsi que j’ay dit ci-dessus au chapitre neufiesme, sur le propos du bruvage des sauvages, nous les faisions seulement infuser dans de l’eau pour la faire succrée : ou bien qui vouloit en sucçoit et mangeoit la moelle. Sur lequel propos je diray une chose de laquelle possible plusieurs s’esmerveilleront. C’est que nonobstant la qualité du succre, lequel, comme chacun sçait, est si doux que rien plus, nous avons neantmoins quelquesfois expressément laissé envieillir et moisir des cannes de succre, lesquelles