Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/44

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son costé, ses parens et amis, lesquels par le passé ont esté prins et mangez, à la façon que je diray au chapitre suyvant, ils sont tellement acharnez les uns à l’encontre des autres, que quiconque tombe en la main de son ennemy, il faut que sans autre composition, il s’attende d’estre traitté de mesme : c’est-à-dire assommé et mangé. Davantage si tost que la guerre est une fois declairée entre quelques-unes de ces nations, tous allegans qu’attendu que l’ennemy qui a receu l’injure s’en ressentira à jamais, c’est trop laschement fait de le laisser eschapper quand on le tient à sa merci : leurs haines sont tellement inveterées qu’ils demeurent perpetuellement irreconciliables. Surquoy on peut dire que Machiavel et ses disciples (desquels la France à son grand mal-heur est maintenant remplie) sont vrais imitateurs des cruautés barbaresques : car puisque, contre la doctrine chrestienne, ces atheistes enseignent et pratiquent aussi, que les nouveaux services ne doivent jamais faire oublier les vieilles injures : c’est à dire, que les hommes tenant du naturel du diable, ne doivent point pardonner les uns aux autres, ne monstrent-ils pas bien que leurs coeurs sont plus felons et malins que ceux des Tygres mesmes.

Or selon que j’ay veu, la maniere que nos Toupinenquins tiennent pour s’assembler à fin d’aller en guerre est telle : c’est combien qu’ils ne ayent entre eux roys ny princes, et par consequent qu’ils soyent presques aussi grands seigneurs les uns que les autres, neantmoins nature leur ayant apprins (ce qui estoit aussi exactement observé entre les Lacedemoniens) que les vieillards qui sont par eux appelez Peorerou-picheh, à cause de l’experience du passé, doivent estre respectez, estans en chacun village assez bien obeis,