Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/45

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quand l’occasion se presente : eux se proumenans, ou estans assis dans leurs licts de cotton pendus en l’air, exhortans les autres de telle ou semblable façon.

Et comment diront-ils parlans l’un apres l’autre, sans s’interrompre d’un seul mot, nos predecesseurs, lesquels non seulement ont si vaillamment combatu, mais aussi vaillamment subjugué, tué et mangé tant d’ennemis, nous ont-ils laissé exemple que comme effeminez et lasches de cœur nous demeurions tousjours à la maison ? Faudra-il qu’à nostre grande honte et confusion, au lieu que par le passé nostre nation a esté tellement crainte et redoutée de toutes les autres qu’elles n’ont peu subsister devant elle, nos ennemis ayent maintenant l’honneur de nous venir chercher jusques au foyer ? Nostre couardise donnera-elle occasion aux Margajats et aux Peros-engaipa, c’est à dire, à ces deux nations alliées qui ne valent rien de se ruer les premiers sur nous ? Puis celuy qui tient tel propos, clacant des mains sur ses espaules et sur ses fesses, avec exclamation adjoustera : Erima, Erima, Toüoupinambaoults, Conomi ouassou, Tan, etc. C’est à dire, non, non, gens de ma nation, puissans et tres-forts jeunes hommes, ce n’est pas ainsi qu’il nous faut faire : plustost, nous disposans de les aller trouver, faut-il que nous nous facions tous tuer et manger, ou que nous ayons vengeance des nostres.

Tellement qu’apres que ces harangues des vieillards (lesquelles durent quelques fois plus de six heures) sont finies, chacun des auditeurs, qui en escoutant attentivement n’en aura pas perdu un mot, se sentant accouragé et avoir (comme on dit) le cœur au ventre : en s’advertissans de village en village, ne faudront point de s’assembler en diligence, et de se trouver en grand nombre au lieu qui leur sera assigné.