Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/51

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de leur pays, voici les premieres ruses et stratagemes de guerre dont ils usent pour les attraper. Les plus habiles et plus vaillans, laissans les autres avec les femmes à une journée ou deux en arriere, eux approchans le plus secrettement qu’ils peuvent pour s’embusquer dans les bois, sont si affectionnez à surprendre leurs ennemis qu’ils demeureront ainsi tapis, telle fois sera plus de vingt-quatre heures. Tellement que si les autres sont prins au despourveu, tout ce qui sera empoigné, soit hommes, femmes ou enfans, non seulement sera emmené, mais aussi quand ils seront de retour en leur pays tous seront assommez, puis mis par pieces sur le Boucan, et finalement mangez. Et leur sont telles surprises tant plus aisées à faire, qu’outre que les villages (car de villes ils n’en ont point) ne ferment pas, encores n’ont-ils autre porte en leurs maisons (longues cependant pour la pluspart de quatre vingts à cent pas et percées en plusieurs endroits) sinon qu’ils mettent quelques branches de palmier, ou de ceste grande herbe nommée Pinda, au devant de leurs huis. Bien est vray, qu’alentour de quelques villages frontiers des ennemis, les mieux aguerris plantent des paux de palmier de cinq ou six pieds de haut : et encores sur les advenues des chemins en tournoyant, ils fichent des chevilles pointues à fleur de terre : tellement que si les assaillans pensent entrer de nuict (comme c’est leur coustume), ceux de dedans qui savent les destroits par où ils peuvent aller sans s’offenser, sortans dessus, les rembarrent de telle façon, que, soit qu’ils veulent fuir ou combattre, parce qu’ils se piquent bien fort les pieds, il en demeure tousjours quelques uns sur la place, desquels les autres font des carbonnades.

Que si au reste les ennemis sont advertis les uns