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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/65

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serrent fort soigneusement, tant les plus gros os des cuisses et des bras, pour (comme j’ay dit au chapitre precedent) faire des fifres et des fleutes, que les dents, lesquelles ils arrachent et enfilent en façon de patenostres, et les portent ainsi tourtillées à l’entour de leurs cols. L’Histoire des Indes parlant de ceux de l’Isle de Zamba, dit, qu’eux attachans aux portes de leurs maisons les testes de ceux qu’ils ont tuez et sacrifiez, pour plus grandes bravades en portent aussi les dents pendues au col.

Quant à celuy ou ceux qui ont commis ces meurtres, reputans cela à grand gloire et honneur, dés le mesme jour qu’ils auront faict le coup, se retirans à part, ils se feront non seulement inciser jusques au sang, la poictrine, les bras, les cuisses, le gras des jambes, et autres parties du corps : mais aussi, à fin que cela paroisse toute leur vie, ils frottent ces taillades de certaines mixtions et pouldre noire, qui ne se peut jamais effacer : tellement que tant plus qu’ils sont ainsi deschiquetez, tant plus cognoist-on qu’ils ont beaucoup tué de prisonniers, et par consequent sont estimez plus vaillans par les autres. Ce que, pour vous mieux faire entendre, je vous ay icy derechef representé par la figure du sauvage deschiqueté : aupres duquel il y en a un autre qui tire de l’arc.

Pour la fin de ceste tant estrange tragedie, s’il advient que les femmes qu’on avoit baillées aux prisonniers demeurent grosses d’eux, les sauvages, qui ont tué les peres, allegans que tels enfans sont provenus de la semence de leurs ennemis (chose horrible à ouir, et encor plus à voir), mangeront les uns incontinent apres qu’ils seront naiz : ou selon que bon leur semblera, avant que d’en venir là, ils les laisseront devenir un peu grandets. Et ne se delectent pas seulement