Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/77

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est advenu quelques fois, qu’eux se sentans pressez promettoyent d’y croire comme nous : mais suyvant le proverbe qui dit, que le danger passé on se moque du sainct, si tost qu’ils estoyent delivrez, ils ne se souvenoyent plus de leurs promesses. Cependant pour monstrer que ce qu’ils endurent n’est pas jeu d’enfant, comme on dit, je leur ay souvent veu tellement apprehender ceste furie infernale, que quand ils se ressouviennent de ce qu’ils avoyent souffert le passé, frapans des mains sur leurs cuisses, voire de destresse la sueur leur venant au front en se complaignans à moy, ou à un autre de nostre compagnie, ils disoyent, Mair Atou-assap, acequeiey Aygnan Atoupavé : c’est à dire, François mon ami, ou mon parfait allié, je crain le diable ou l’esprit malin, plus que toute autre chose. Que si au contraire celuy des nostres auquel ils s’adressoyent leur disoit, Nacequeiey Aygnan, c’est à dire, je ne le crain point moy : deplorans leur condition, ils respondoyent, Helas que nous serions heureux si nous estions preservez comme vous autres ! Il faudroit croire et vous asseurer, comme nous faisons, en celuy qui est plus fort et plus puissant que luy, repliquions nous : mais, comme j’ai jà dit, combien que quelques fois voyans le mal prochain, ou jà advenu, ils protestassent d’ainsi le faire, tout cela puis apres s’esvanouissoit de leur cerveau.

Or avant que passer plus outre, j’adjousteray sur le propos que j’ay touché de nos Bresiliens Ameriquains, qui croyent l’ame immortelle : que l’historien des Indes Occidentales dit que non seulement les sauvages de la ville de Cuzco, principale au Peru, et ceux des environs confessent semblablement l’immortalité des ames, mais qui plus est (nonobstant la maxime laquelle a esté aussi tousjours communément tenue par les