Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/80

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tout droit en enfer, où ils sentiront les fruicts de leurs monstrueuses erreurs.

Ainsi pour retourner à mon principal suject, qui est de poursuivre ce qu’on peut appeler Religion entre les sauvages de l’Amerique : je di en premier lieu si on examine de pres ce que j’en ay jà touché, assavoir, qu’au lieu qu’ils desireroyent bien de demeurer en repos, ils sont neantmoins contraints quand ils entendent le tonnerre de trembler, sous une puissance à laquelle ils ne peuvent resister : qu’on pourra recueillir de là, que non seulement la sentence de Ciceron que j’ay alléguée du commencement, contenant qu’il n’y a peuple qui n’ait sentiment qu’il y a quelque divinité, est verifié en eux, mais qu’aussi ceste crainte qu’ils ont de celuy qu’ils ne veulent point cognoistre, les rendra du tout inexcusables. Et de faict, quand il est dit par l’Apostre, que nonobstant que Dieu és temps jadis ait laissé tous les Gentils cheminer en leurs voyes, que cependant en bien faisant à tous, et en envoyant la pluye du ciel et les saisons fertiles, il ne s’est jamais laissé sans tesmoignage : cela monstre assez quand les hommes ne cognoissent pas leur createur, que cela procede de leur malice. Comme aussi, pour les conveincre davantage, il est dit ailleurs, que ce qui est invisible en Dieu, se voit par la creation du monde.

Partant quoy que nos Ameriquains ne le confessent de bouche, tant y a neantmoins qu’estans conveincus en euxmesmes qu’il y a quelque divinité, je conclu que comme ils ne seront excusez, aussi ne pourront-ils pretendre ignorance. Mais outre ce que j’ay dit touchant l’immortalité de l’ame qu’ils croyent : le tonnerre dont ils sont espouvantez, et les diables et esprits malins qui les frappent et tourmentent (qui sont trois poincts qu’il faut premierement noter) je monstreray