Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/81

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encor en quatrieme lieu, nonobstant les obscures tenebres où ils sont plongez, comme ceste semence de religion (si toutesfois ce qu’ils font merite ce titre) bourgeonne et ne peut estre esteinte en eux.

Pour donc entrer plus avant en matiere, il faut sçavoir qu’ils ont entre eux certains faux Prophetes qu’ils nomment Caraibes, lesquels allans et venans de village en village, comme les porteurs de rogatons en la Papauté, leur font accroire que communiquans avec les esprits ils peuvent non seulement par ce moyen donner force à qui il leur plaist, pour veincre et surmonter les ennemis, quand on va à la guerre, mais aussi que ce sont eux qui font croistre les grosses racines et les fruicts, tels que j’ay dit ailleurs que ceste terre du Bresil les produit. Davantage, ainsi que j’ay entendu des truchemens de Normandie, qui avoyent long temps demeuré en ce pays-là, nos Toüoupinambaoults, ayans ceste coustume que de trois en trois, ou de quatre en quatre ans ils s’assemblent en grande solennité, pour m’y estre trouvé, sans y penser (comme vous entendrez), voici ce que j’en puis dire à la verité. Comme donc un autre François nommé Jaques Rousseau, et moy avec un truchement allions par pays, ayans couché une nuict en un village nommé Cotiva, le lendemain de grand matin, que nous pensions passer outre, nous vismes en premier lieu les sauvages des lieux proches qui y arrivoyent de toutes parts : avec lesquels ceux de ce village sortans de leurs maisons se joignirent et furent incontinent en une grande place assemblez en nombre de cinq ou six cens. Parquoy nous arrestans pour savoir à quelle fin ceste assemblée se faisoit, ainsi que nous nous en revenions, nous les vismes soudain separer en trois bandes : assavoir tous les hommes en une maison à part, les