Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/90

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dont vous avez tantost usé, ayans tous par deux fois osté vos chapeaux, et sans dire mot, excepté un qui parloit, vous estes tenus tous cois ? A qui s’addressoit ce qu’il a dit ? est-ce à vous qui estes presens ou à quelques autres absens ? Sur quoy empoignant ceste occasion qu’il nous presentoit tant à propos pour leur parler de la vraye Religion : joint qu’outre que ce village d’Ocarentin est des plus grands et plus peuplez de ce pays-là, je voyois encores ce me sembloit les sauvages mieux disposez et attentifs à nous escouter que de coustume, je priay nostre truchement de m’aider à leur donner à entendre ce que je leur dirois. Apres donc que pour respondre à la question du vieillard, je luy eu dit que c’estoit à Dieu auquel nous avions adressé nos prieres : et que quoy qu’il ne le vist pas, il nous avoit neantmoins non seulement bien entendus, mais qu’aussi il savoit ce que nous pensions et avions au coeur, je commençay à leur parler de la creation du monde : et sur tout j’insistay sur ce poinct de leur bien faire entendre, que ce que Dieu avoit fait l’homme excellent par dessus toutes les autres creatures, estoit à fin qu’il glorifiast tant plus son Createur : adjoustant parce que nous le servions, qu’il nous preservoit en traversant la mer, sur laquelle, pour les aller trouver, nous demeurions ordinairement quatre ou cinq mois sans mettre pied à terre. Semblablement qu’à ceste occasion nous ne craignions point comme eux d’estre tormentez d’Aygnan, ny en ceste vie ny en l’autre : de façon, leur disoy-je, que s’ils se vouloyent convertir des erreurs où leurs Caraibes menteurs et trompeurs les detenoyent : ensemble laisser leur barbarie, pour ne plus manger la chair de leurs ennemis, qu’ils auroyent les mesmes graces qu’ils cognoissoyent par effect que nous avions. Brief à fin que leur ayant fait entendre la