Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/91

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perdition de l’homme, nous les preparissions à recevoir Jesus Christ, leur baillant tousjours des comparaisons des choses qui leur estoyent cognues, nous fusmes plus de deux heures sur ceste matiere de la creation, dequoy cependant pour brieveté je ne feray ici plus long discours. Or tous, avec grande admiration, prestans l’oreille escoutoyent attentivement : de maniere qu’estans entrez en esbahissement de ce qu’ils avoyent ouy, il y eut un autre vieillard, qui prenant la parole dit, Certainement vous nous avez dit merveilles, et choses tres-bonnes que nous n’avions jamais entendues, Toutesfois, dit-il, vostre harangue m’a fait rememorer ce que nous avons ouy reciter beaucoup de fois à nos grands peres : assavoir que dés long temps et dés le nombre de tant de lunes que nous n’en avons peu retenir le conte, un Mair, c’est à dire François, ou estranger, vestu et barbu comme aucuns de vous autres, vint en ce pays icy, lequel, pour les penser renger à l’obeissance de vostre Dieu, leur tint le mesme langage que vous nous avez maintenant tenu : mais, comme nous avons aussi entendu de pere en fils, ils ne voulurent pas croire : et partans il en vint un autre, qui en signe de malediction, leur bailla l’espée dequoy depuis nous nous sommes tousjours tuez l’un l’autre : tellement qu’en estans entrez si avant en possesion, si maintenant, laissans nostre coustume, nous desistions, toutes les nations qui nous sont voisines se moqueroyent de nous. Nous repliquasmes à cela, avec grande vehemence, que tant s’en falloit qu’ils se deussent soucier de la gaudisserie des autres, qu’au contraire s’ils vouloyent, comme nous, adorer et servir le seul et vray Dieu du ciel et de la terre, que nous leur annoncions, si leurs ennemis pour ceste occasion les venoyent puis apres attaquer, ils