Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/92

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les surmonteroyent et veincroyent tous. Somme, par l’efficace que Dieu donna lors à nos paroles, nos Toüoupinambaoults furent tellement esmeus, que non seulement plusieurs promirent de d’oresenavant vivre comme nous les avions enseignez, mesmes qu’ils ne mangeroyent plus la chair humaine de leurs ennemis : mais aussi apres ce colloque (lequel, comme j’ay dit, dura fort long temps) eux se mettans à genoux avec nous, l’un de nostre compagnie, en rendant graces à Dieu, fit la priere à haute voix au milieu de ce peuple, laquelle, en apres leur fut exposée par le Truchement. Cela fait, ils nous firent coucher à leur mode, dans des licts de cotton pendus en l’air, mais avant que nous fussions endormis, nous les ouismes chanter tous ensemble, que pour se venger de leurs ennemis, il en falloit plus prendre et plus manger qu’ils n’avoyent jamais fait au paravant. Voilà l’inconstance de ce pauvre peuple, bel exemple de la nature corrompue de l’homme. Toutesfois j’ay opinion, si Villegagnon ne se fust revolté de la Religion reformée, et que nous fussions demeurez plus long temps en ce pays-là, qu’on en eust attiré et gagné quelques-uns à Jesus Christ.

Or j’ay pensé depuis à ce qu’ils nous avoyent dit tenir de leurs devanciers, qu’il y avoit beaucoup de centaines d’années qu’un Mair, c’est à dire (sans m’arrester s’il estoit François ou Alemand) homme de nostre nation, ayant esté en leur terre, leur avoit annoncé le vray Dieu, assavoir, si ç’auroit point esté l’un des Apostres. Et de fait, sans approuver les livres fabuleux, lesquels outre ce que la Parole de Dieu en dit, on a escrit de leurs voyages et peregrinations, Nicephore recitant l’histoire de sainct Matthieu, dit expressément qu’il a presché l’Evangile au pays des