Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/93

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Cannibales qui mangent les hommes, peuple non trop eslongné de nos Bresiliens Ameriquains. Mais me fondant beaucoup plus sur le passage de sainct Paul, tiré du Pseaume dix-neufiesme : assavoir, Leur son est allé par toute la terre, et leurs paroles jusques au bout du monde, qu’aucuns bons expositeurs rapportent aux Apostres : attendu, di-je, que pour certain ils ont esté en beaucoup de pays lointains à nous incognus, quel inconvenient y auroit-il de croire que l’un, ou plusieurs ayent esté en la terre de ces barbares ? Cela mesme serviroit de lampe et generalle exposition que quelques uns requierent à la sentence de Jesus Christ, lequel a prononcé, que l’Evangile seroit presché par tout le monde universel. Ce que toutesfois ne voulant point autrement affermer pour l’esgard du temps des Apostres, j’asseureray neantmoins, ainsi que j’ay monstré cy dessus en ceste histoire, que j’ay veu et ouy de nos jours annoncer l’Evangile jusques aux Antipodes : tellement qu’outre que l’objection qu’on faisoit sur ce passage sera soluë par ce moyen, encore cela fera, que les sauvages seront tant moins excusables au dernier jour. Quant à l’autre propos de nos Ameriquains, touchant ce qu’ils disent, que leurs predecesseurs n’ayans pas voulu croire celuy qui les voulut enseigner en la droite voye, il en vint un autre lequel à cause de ce refus les maudit, et leur donna l’espée de quoy ils se tuent encores tous les jours : nous lisons en l’Apocalypse, qu’à celuy qui estoit assis sur le cheval roux, lequel, selon l’exposition d’aucuns, signifie persecution par feu et par guerre, fut donné pouvoir d’oster la paix de la terre, et qu’on se tuast l’un l’autre, et luy fut donnée une grande espée. Voila le texte lequel, quant à la lettre, approche fort du dire et de ce que pratiquent nos Toüoupinambaoults :