Le peule aime mon règne et craint sa tyrannie :
Je le possède aussi moins que je ne le sers ; [85]
Les honneurs qu'il me rend sont d'honorables fers.
Au reste, un fondement reste à notre espérance,
Si l'oracle rendu nous tient lieu d'assurance ;
Thèbes lors jouira d'un paisible repos,
Quand les dents du Python la semence dernière [90]
Satisfera pour tous et perdra la lumière.
Telle est l'arrêt des dieux.
Ô rigoureuse loi !
Le jeune Ménécée a pris ces mots sur soi :
Se voyant comme il est dernier de sa race,
Sur qui par conséquent tombait cette disgrâce, [95]
Il s'est soustrait de nous, et du haut de la tour,
Ravi que son malheur nous prouvât son amour,
Et porté d'une ardeur à nulle autre seconde,
S'est immolé lui-même aux yeux de tout le monde.
Heureux certes cent fois qui meurt si glorieux, [100]
Et qui se pourra seul dire victorieux !
Mais plus heureux encore à qui sa mort profite
Et qui se couvrira des lauriers qu'il mérite !
Quelle haine des dieux jette le sort sur lui,
Et le fait trébucher pour soutenir autrui ? [105]
Fausses divinités, êtres imaginaires,
Beaux abus des esprits, immortelles chimères,
Que vous a fait mon sang pour vous être immolé ?
Quel droit de la nature avons-nous violé ?