Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.4-1820.djvu/72

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En faisant vanité de m'avoir fait affront ;

Plus son mépris me touche et plus elle en est vaine ;

Je semble son sujet, elle semble ma reine.

Peut-être qu'elle rang qu'elle tint autrefois, [1200]

Et les titres de sœur, nièce te fille de rois,

Font à ce cœur altier douter de la menace,

Et contre sa frayeur soutiennent son audace :

Mais son extraction provint-elle des cieux,

Et se dit-elle sœur, nièce et fille des dieux [1205]

La justice aujourd'hui satisfera ma haine ;

Et qui l'a secondée aura part en sa peine;

Argie

D'un frivole discours passez donc à l'effet ;

Je le ferais encore si je ne l'avais fait.

Oui, j'ai fait le devoir d'une ingrate province [1210]

Qui refuse sans honte un cercueil à son prince :

Elle fut son pays, ses terres, ses États ;

Il n'y veut qu'un sépulcre et ne l'y trouve pas :

Il laisse indifférent en quel titre on m'amène

Où j'avais droit d'entrer en qualité de reine, [1215]

Et je ne n'accuse pas l'injustice du sort

Qui me devait un sceptre et m'apprête la mort.

Je me plains seulement de ce pays barbare

Qui de six pieds sous terre à son prince est avare,

Et veut qu'en même jour le corps de mon époux [1220]

Passe d'entre mes bras dans le ventre des loups.

Créon

Ayant appris l'édit et le peine prévue,

Vous avez enfreint l'un, et l'autre vous est due.

Antigone

Faites donc, votre haine agit trop mollement;

La fureur s'alentit par le retardement : [1225]