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Scène VIII

Hémon,, dans le tombeau de la roche
Ismène


Hémon

Beau corps, sacrés débris du chef d’œuvre des cieux,

Beaux restes d'Antigone, ouvre encore les yeux,

Jeune soleil d'amour éteint en ton aurore,

Bel astre, honore-moi d'un seul regard encore

Avant que je te suive en la nuit du tombeau. [1695]

Tu crains, tu crains de voir le fils de ton bourreau ;

Le cœur plus que l'oreille est sourd à ma prière ;

Ton amour s'est éteint avec que ta lumière ;

C'est en vain qu'aux enfers je vais suivre tes pas,

Te mânes offensés ne m'y souffriront pas ; [1700]

Autant que tu m'aimais tu me seras contraire ;

Tu puniras le fils des cruautés du père.

Je n'avance à mourir non plus qu'à différer,

Et, ni vivant ni mort, je n'ai plus qu'espérer.


À Ismène.


Mais, Madame, arrêtez ces inutiles larmes, [1705]

Et contez moi sa mort. Où prit-elle des armes ?

Ismène

Le soir qu'elle partit pour ce pieux dessein

Elle tenait caché ce poignard dans son sein,

Pour demeurer par lui maîtresse de sa vie

S'il devait arriver qu'elle fût poursuivie : [1710]

À ce coup vainement j'ai voulu résister ;

Je ne l'ai diverti ni n'ai pu l'éviter :

Le sang qu'elle a versé l'embellit et me tâche ;

Il la peint généreuse et me témoigne lâche.