Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.4-1820.djvu/97

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Vous l'offensez, au reste, et soupçonnez à tort [1715]

Que son affection soit morte par sa mort :

Elle sait à quel point sa fortune vous touche ;

Avec le nom d'Hémon elle a fermé la bouche :

C'est un nom qu'elle emporte au-delà du trépas,

Et que dans l'oubli elle n'oubliera pas. [1720]

Hémon

Allons donc, mon amour, où la sienne m'invite ;

Payons-lui cet honneur qui passe pour mérite.

Ah ! S'il plaisait aux dieux que, pour mourir cent fois,

Je pusse à ce beau corps rendre l'âme est la voix,

Que d'un si bel effet je bénirais les causes ! [1725]

J'entrerais dans les feux comme en un lit de roses ;

La plus amer poison, et le plus furieux,

Passerait à mon goût pour breuvage des dieux ;

Je me délasserais parmi les précipices,

Et dans le seul repos trouverais des supplices. [1730]

Mais depuis qu'une vie est tombée en tes mains,

Ô Mort ! Pour la ravir tous nos efforts sont vains.

Ce butin est trop cher, et j'ai tort si j'espère

Que tu rends au fils ce que tu tiens du père.

Sourde, tiens donc encore de ce dénaturé [1735]

Le butin qu'il t'envoie et qu'il t'a procuré ;

Mais épargne ta faux, puisque, ô prodige extrême !

La nature aujourd'hui se détruit d'elle-même,

Les plus proches parents sont les plus ennemis,

Le frère hait le frère, et le père le fils ; [1740]

L'oncle au sang de sa nièce avec plaisir se noie,

Et tous font ton office et te chargent de proie.


Il veut tirer son épée ; Ismène le retient.


Ismène

Eh ! Que ferais-je, Hémon ? Ne m'abandonnez pas.