Il ne me reste plus, que la seule rougeur ; [590]
Que la honte, et l'horreur, de vous avoir aimée ;
Laisseront à jamais, sur ce front imprimée ;
Oui, j'en rougis, ingrate, et mon propre courroux,
Ne me peut pardonner ce que j'ai fait pour vous ;
Je veux que la mémoire efface de ma vie, [595]
Le souvenir du temps que je vous ai servie ;
J'étais mort, pour ma gloire, et je n'ai pas vécu,
Tant que ce lâche coeur s'est dit votre vaincu ;
Ce n'est que d'aujourd'hui qu'il vit, et qu'il respire ;
D'aujourd'hui, qu'il renonce au joug de votre empire, [600]
Et qu'avec raison, mes yeux et lui d'accord,
Détestent votre vue, à l'égard de la mort.
Pour vous en guérir, Prince, et ne leur plus déplaire,
Je m'impose, moi-même, un exil volontaire,
Et je mettrai grand soin, sachant ces vérités, [605]
À ne vous plus montrer, ce que vous détestez.
Adieu.
Elle s'en va.
Scène III
Que faites-vous, ô mes lâches pensées,
Suivez-vous cette ingrate, êtes-vous insensée ?
Mais plutôt qu'as-tu fait, mon aveugle courroux
Adorable inhumaine, hélas ou fuyez-vous ? [610]
Ma soeur au nom d'amour et par pitié des larmes,
Que ce coeur enchanté donne encore à ses charmes,
Si vous voulez d'un frère empêcher le trépas
Suivez cette insensible et retenez ses pas.
La retenir, mon frère, après l'avoir bannie. [615]