Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/217

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Ha contre ma raison servez sa tyrannie,

Je veux désavouer ce coeur séditieux,

La servir, l'adorer, et mourir à ses yeux.

Privé de son amour je chérirai sa haine.

J'aimerai ses mépris, je bénirai ma peine. [620]

Se plaindre des ennuis que causent ses appas,

C'est se plaindre d'un mal qu'on ne mérite pas,

Que je la vois au moins si je ne la possède,

Mon mal chérit sa cause, et croit par son remède.

Quand mon coeur à ma voix a feint de consentir, [625]

Il en était charmé, je l'en veux démentir ;

Je mourais, je brûlais, je l'adorais dans l'âme,

Et le ciel a pour moi fait un sort tout de flamme ;

Allez... Mais que fais-tu, stupide, et lâche amant ?


Elle s'en va.


Quel caprice t'aveugle ? As-tu du sentiment ? [630]

Rentre, Prince sans coeur, un moment en toi-même,

Me laissez-vous, ma soeur, en ce désordre extrême ?

THÉODORE

J'allais la retenir.

LE PRINCE

Hé ! Ne voyez-vous pas

Quel arrogant mépris précipite ses pas ?

Avec combien d'orgueil elle s'est retirée ? [635]

Quelle implacable haine elle m'a déclarée !

Et que m'exposer plus aux foudres de ses yeux

C'est dans sa frénésie armer un furieux.

De mon esprit plutôt chassez cette cruelle,

Condamnez les pensées, qui me parleront d'elle. [640]