Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Peignez-moi sa conquête, indigne de mon rang,

Et soutenez en moi l'honneur de votre sang.

THÉODORE

Je ne vous puis celer que le trait qui vous blesse

Dedans un sang royal trouve trop de faiblesse,

Je vois de quels efforts vos sens sont combattus, [645]

Mais les difficultés sont le champ des vertus,

Avec un peu de peine on achète la gloire.

Qui veut vaincre est déjà bien près de la victoire ;

Se faisant violence, on s'est bientôt dompté,

Et rien n'est tant à nous que notre volonté. [650]

LE PRINCE

Hélas ! Il est aisé de juger de ma peine,

Par l'effort qui d'un temps m'emporte et me ramène ;

Et par ces mouvements si prompts et si puissants,

Tantôt sur ma raison et tantôt sur mes sens ;

Mais quelque trouble enfin qu'ils vous fassent paraître [655]

Je vous croirai, ma soeur, et je serai mon maître,

Je lui laisserai libre, et l'espoir et la foi,

Que son sang lui défend d'élever jusqu'à moi ;

Lui souffrant le mépris du rang qu'elle rejette,

Je la perds pour maîtresse, et l'acquiert pour sujette, [660]

Sur qui régnait sur moi j'ai des droit absolus

Et la punis assez par son propre refus ;

Ne renaissez donc plus mes flammes étouffées,

Et du Duc de Cueillade augmentez les trophées.

Sa victoire m'honore, et m'ôte seulement [665]

Un caprice obstiné, d'aimer trop bassement.

THÉODORE

Quoi, mon frère, le Duc aurait dessein pour elle ?

LE PRINCE