Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/243

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Vous avez vu, ma soeur

Mes plus secret pensers jusqu'au fond de mon coeur,

Vous savez les efforts que j'ai fait sur moi-même

Pour secouer le joug de cette amour extrême, [1190]

Et retirer d'un coeur indignement blessé

Le trait empoisonné que ses yeux m'ont lancé.

Mais, quoi que j'entreprenne, à moi-même infidèle,

Contre mon jugement, mon esprit se rebelle ;

Mon coeur de son service à peine est diverti, [1195]

Qu'au premier souvenir il reprend son parti ;

Tant a de droit sur nous, malheureux que nous sommes

Cet amour, mon amour, mais ennemi des hommes.

J'ai, pour aucunement couvrir ma lâcheté,

Quand je souffrais le plus, feint plus de santé. [1200]

Rebuté des mépris qu'elle a faits d'un esclave,

J'ai fait d'un souverain, et j'ai tranché du brave,

Bien plus, j'ai furieux, inégal, interdit,

Voulu pour mon rival employer mon crédit.

Mais, au moindre penser, mon âme transportée [1205]

Contre mon propre effort s'est toujours révoltée,

Et l'ingrate beauté dont le charme m'a pris

Peut plus que ma colère, et plus que les mépris :

Sur ce qu'Octave enfin, hier, me fit entendre,

L'hymen qui se traitait, du Duc, et de Cassandre ; [1210]

Et que ce couple heureux consommait cette nuit.

OCTAVE

Pernicieux avis, hélas ! Qu'as-tu produit ?

LE PRINCE

Succombant tout entier à ce coup qui m'accable,

De tout raisonnement, je deviens incapable.