Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/68

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NATALIE.

Daigne m’entendre un mot !Je n’entends plus un lâche
Qui dès le premier pas chancelle et se relâche,
Dont la seule menace ébranle la vertu,
Qui met les armes bas, sans avoir combattu,
Et qui s’étant fait croire une invincible roche,
Au seul bruit de l’assaut se rend avant l’approche.
Va, perfide, aux tyrans à qui tu t’es rendu
Demander lâchement le prix qui t’en est dû ;
Que l’épargne romaine en tes mains se desserre ;
Exclus des biens du ciel, songe à ceux de la terre ;
Mais parmi ses honneurs et ses rangs superflus,
Compte-moi pour un bien qui ne t’appartient plus.

ADRIEN.

Je ne te veux qu’un mot : accorde ma prière.

NATALIE.

Ah ! que de ta prison n’ai-je été la geôlière !
J’aurois souffert la mort avant ta liberté.
Traître, qu’espères-tu de cette lâcheté ?
La cour s’en raillera ; ton tyran, quoi qu’il die,
Ne sauroit en son cœur priser ta perfidie.
Les martyrs, animés d’une sainte fureur,
En rougiront de honte et frémiront d’horreur ;
Contre toi dans le ciel Christ arme sa justice ;
Les ministres d’enfer préparent ton supplice ;
Et tu viens, rejeté de la terre et des cieux,
Pour me perdre avec toi, chercher grâce en ces lieux ?
(À part.)
Que ferai-je, ô Seigneur ! puis-je souffrir sans peine
L’ennemi de ta gloire et l’objet de ta haine ?
Puis-je vivre et me voir en ce confus état,