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Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/85

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Scène II.

Le même ; MARCELLE, LE GEÔLIER.
LE GEÔLIER, à Marcelle.

Entrez.

(Le geôlier sort.)
MARCELLE.

Entrez.Et bien, Genest, cette ardeur insensée
Te dure-t-elle encore, ou t’est-elle passée ?
Si tu ne fais pour toi, si le jour ne t’est cher,
Si ton propre intérêt ne te sauroit toucher,
Nous osons espérer que le nôtre possible
En cette extrémité te sera plus sensible,
Que t’étant si cruel tu nous seras plus doux,
Et qu’obstiné pour toi tu fléchiras pour nous :
Si tu nous dois chérir, c’est en cette occurrence ;
Car, séparés de toi, quelle est notre espérance ?
Par quel sort pouvons-nous survivre ton trépas ?
Et que peut plus un corps dont le chef est à bas ?
Ce n’est que de tes jours que dépend notre vie ;
Nous mourrons tous du coup qui te l’aura ravie ;
Tu seras seul coupable, et nous tous en effet,
Serons punis d’un mal que nous n’aurons point fait.

GENEST.

Si d’un heureux avis vos esprits sont capables,
Partagez ce forfait, rendez-vous en coupables,
Et vous reconnoîtrez s’il est un heur plus doux,
Que la mort qu’en effet je vous souhaite à tous.
Vous mourriez pour un dieu dont la bonté suprême,
Vous faisant en mourant détruire la mort même,