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Feroit l’éternité le prix de ce moment,
Que j’appelle une grâce et vous un châtiment.

MARCELLE.

Ô ridicule erreur de vanter la puissance
D’un Dieu qui donne aux siens la mort pour récompense !
D’un imposteur, d’un fourbe et d’un crucifié !
Qui l’a mis dans le ciel ? qui l’a déifié ?
Un nombre d’ignorans et de gens inutiles ?
De malheureux, la lie et l’opprobre des villes ;
De femmes et d’enfans dont la crédulité,
S’est forgée à plaisir une divinité ;
De gens qui, dépourvus des biens de le fortune,
Trouve dans leur malheur la lumière importune,
Sous le nom des chrétiens font gloire du trépas,
Et du mépris des biens qu’ils ne possèdent pas,
Perdent l’ambition en perdant l’espérance,
Et souffrent tous du sort, avec indifférence !
De là naît le désordre épars en tant de lieux ;
De là naît le mépris et des rois et des dieux,
Que César irrité réprime avec justice
Et qu’il ne peut punir d’un trop rude supplice.
Si je t’ose parler d’un esprit ingénu,
Et si le tien, Genest, ne m’est point inconnu ;
D’un abus si grossier tes sens sont incapables,
Tu te ris du vulgaire et lui laisses ses fables,
Et pour quelque sujet, mais qui nous est caché,
À ce culte nouveau tu te feins attaché.
Peut-être que tu plains ta jeunesse passée,
Par une ingrate cour si mal récompensée :
Si César, en effet, étoit plus généreux,
Tu l’as assez suivi pour être plus heureux ;