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Page:Jeanne Landre-Echalote et ses amants 1909.djvu/221

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encore un endroit où l’on s’amuse

rigides homards reposent sur des plats d’argent où frisotte le persil.

Quand sonnent deux heures du matin, c’est la folie : la loterie se tire, et quelle loterie ! Des animaux vivants : poules, canards, pigeons, pintades, échouent aux favorisés du sort. Puis, vient le gros lot : un cochon rond comme un aérostat, ou un mouton frais lavé et peigné, ou une vache aux cornes gainées de métal et au col cravaté de ruban pompadour. L’heureux gagnant n’aura qu’à les attacher à son automobile. La joie des viveurs et la tranquillité des concierges, quoi !

L’orgie continue parmi les cris des bêtes. La foule, à son tour, hurle et s’exalte. Le chef-d’œuvre de la création veut, comme toujours, faire montre de sa supériorité : il beugle plus fort que la vache, bêle comme le mouton et imite à s’y méprendre le compagnon de saint Antoine.

Cette fois la fête était particulièrement tonitruante. Les coups de pistolet du champagne, les serviettes lancées de table en table, les sifflets aboutissant à une baudruche qui se gonflait de manière obscène, les étendards, les soleils et les tulipes de papier gaufré brandis comme des trophées, tout cet attirail de cotillon sauvage, encombrant, tapageur, transformait la fête en fantasia nouveau jeu où tout figurait de ce qui pouvait donner l’illusion de l’emballement barbare, hormis la grandeur naturelle d’une vraie race.

Profils de levantins, têtes crêpelées de métis, figures rondes de Japonais, ganaches allongées de Yankees,

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