Page:Jehin - Les aventures extraordinaires de deux canayens, 1918.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
101


XIV

RARI NANTES IN GURGITE VASTO.

Après qu’ils eurent accompli l’extraordinaire fait d’arme que nous venons de relater, nos deux héros, après avoir placé sur leur tête les casques qu’ils employaient pour les altitudes élevées, donnèrent au Wawaron un élan qui lui fit atteindre une hauteur de près de quinze mille pieds, ce qui le rendit complètement invisible.

Ils planèrent ainsi près de deux heures et lorsqu’ils furent certains de ne pas être vus ils redescendirent à une hauteur moyenne et après s’être débarrassés de leurs appareils ils purent continuer leur conversation.

« Mon vieux, dit Baptiste Courtemanche en tendant la main à son camarade, tu peux te vanter d’avoir du talent pour lancer les bombes, on dirait que t’as jamais fait que cela toute ta vie.

« C’est ben de même, répondit Titoine en riant, je leur ai emmenché cela à Messieurs les Boches dans les grandes largeurs, ils ont dû en faire tout de même une drôle de tête en se sentant descendre dans le fond de l’eau en pensant qu’ils allaient servir de dîner aux marsouins.

« Et puis après, fit Courtemanche en haussant les épaules, tu te souviens de ce que dit la Sainte Bible : « Périra par l’épée qui frappera par l’épée ». Avec cela qu’ils y songent beaucoup aux sentiments, ces bougres de cochons. Est-ce qu’ils ont réfléchi en coulant le Lusitania ? Y ont-ils regardé à deux fois avant d’exterminer des navires-hôpitaux ou des steamers portant femmes et enfants ? Non, n’est-ce pas, aussi je ne sais pas pourquoi on les ménagerait. Épargne-t-on un chien enragé ? Non, n’est-ce pas. Eh bien, le Boche, mon vieux, ce n’est que cela et il n’a droit à aucune pitié.

« C’est ben cela, répondit Pelquier, et celui qui est cause de tous ces assassinats, qui a permis ces tueries aveugles et irraisonnées pour assouvir sa haine et affermir sa tyrannie, le Néron boche doit bien trembler en songeant au compte qu’il aura à rendre à Celui qui est la justice infinie.

« Tu as raison, ami Pelquier, et si les âmes ont une peau, ajouta Baptiste, je préfère la mienne à la sienne. Lors du jugement je serai plus dans mon assiette que lui dans la sienne, soit dit sans me répéter.