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« Maintenant, mes vieux, nous allons mouiller ça, v’là du p’tit blanc et du tanant, car sans p’tit blanc, vous l’savez ben, des Canayens c’est quasiment comme des chevaux sans avoine, leur dit Duval en emplissant les verres.

« Vlà c’qu’on appelle parler en pépère, dit Titoine en enfilant son verre et se faisant claquer la langue de satisfaction.

Alphonse étant arrivé avec les provisions, tous se mirent à l’œuvre et le déjeuner terminé, nos trois amis discutèrent.

Ce qu’ils se dirent fut très important sans doute. L’après-midi, ils visitèrent le « Wawaron » et Baptiste remit à Duval l’argent et les objets de valeur dont ils avaient fait l’acquisition durant leur voyage.

Duval compta l’argent, et après avoir considéré toutes ces choses il ne put s’empêcher de s’écrier :

« Avec tout ceci, non seulement le « Wawaron » se trouve payé, les premiers frais de la campagne assurés, et il nous restera un surplus assurant à jamais notre tranquillité.

« Et tu trouves qu’on a ben travaillé, demanda orgueilleusement Baptiste.

« Oui, et dès demain je pars pour Montréal, vous resterez icitte, répondit Duval, et moi j’accomplirai à la lettre ce qui a été décidé.

« Le lendemain matin, Philias Duval partait pour la métropole et un jour plus tard, la population montréalaise lisait avec stupéfaction dans les différents journaux de la ville l’étrange note suivante :

« Avis important. — Les personnes qui furent en relations d’affaires avec Jean-Baptiste Courtemanche, ingénieur civil, et Antoine Pelquier, ci-devant chirurgien-dentiste à Ste-Cunégonde de Montréal, sont priées de se rendre mercredi de la semaine prochaine, ceci pour règlement de compte et pour discuter de choses de la plus haute importance, sur le Champ de Mars, à dix heures très précises. »

Si comme rédaction l’avis n’était pas extraordinaire, il l’était au point de vue sensationnel. Courtemanche était très connu, la fugue du dentiste avait fait à l’époque grand bruit, et les jérémiades de la tendre Mame Pelquier (née Philomène Tranchemontagne de Shawinigan) n’avaient pas sans avoir énormément causé l’hilarité du public. On n’oubliait pas que cette très intéressante personne s’était évaporée avec un sien cousin et qu’a-