Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 1, 1877.djvu/573

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en traduisant exactement en latin la version grecque que nous devons aux Septante ; car la version latine varie tellement dans les divers exemplaires que cela ne peut pas être toléré ; on la soupçonne tellement d’être en désaccord avec le grec qu’on hésite à la prendre pour base d’une affirmation ou d’une preuve. J’avais supposé que celte lettre serait très-courte ; mais je ne sais comment il m’est devenu si doux de la prolonger : c’est comme si je m’entretenais avec vous. Je vous en conjure par le Seigneur, prenez la peine de répondre à chaque chose ; autant qu’il est en votre pouvoir, faites en sorte que je vous aie présent.

LETTRE CIV.

A AUGUSTIN.

Il réclame contre une lettre d’Augustin répandue dans l’Italie, et dans laquelle est relevé un passage que Jérôme aurait mal exposé dans l’épître aux Galates. Au seigneur vraiment saint, au bienheureux évêque Augustin, salut en Jésus-Christ, Jérôme »

1. Vous m’adressez de fréquentes lettres, et vous me sommez de répondre à celle dont un exemplaire me fut transmis par le diacre Sysinnius, mais sans votre signature. Vous m’avez appris par le frère Profuturus d’abord, et puis par un autre, que vous me l’aviez envoyée ; mais le premier fut empêché de se mettre en route, ayant alors reçu l’épiscopat, et bientôt après étant mort. Quant à celui dont vous taisez le nom, il aurait redouté les périls de la mer et renoncé à l’intention de naviguer. Les choses étant ainsi, je ne puis assez m’étonner que cette même lettre soit entre les mains de tant de personnes à Rome et dans l’Italie, à ce qu’on m’apprend, et que je sois le seul à ne l’avoir pas reçue, étant le seul à qui elle était écrite. Ajoutez en particulier que le même frère Sysinnius déclare qu’elle n’est pas restée en Afrique avec vos autres traités, ni dans votre demeure ; il déclare l’avoir trouvée, il y a cinq ans environ, dans une île de l’Adriatique.

2. Que tout soupçon doit disparaître dans l’amitié. – L’amitié véritable n’admet aucun soupçon ; il faut parler avec un ami comme avec un autre soi-même. Plusieurs de mes familiers, vases du Christ, que je compte en grand nombre dans Jérusalem et les saints Lieux, me suggéraient que vous n’aviez pas écrit cela dans une intention droite, et que vous cherchiez les louanges, les murmures approbateurs, la gloriole populaire, en vous élevant à mes dépens : par là, beaucoup sauraient que vous me provoquiez, et que j’étais saisi de crainte ; que vous écriviez en vrai docteur, et que je gardais le silence comme qu’un capable d’imposer une mesure et même un terme à ma loquacité. Pour moi, je vous déclare dans toute la simplicité de mon âme que je n’ai pas d’abord voulu répondre parce que je ne croyais pas absolument que la lettre fût de vous, que vous eussiez en main, selon l’adage vulgaire, un glaive enduit de miel. Je voulais ensuite éviter de paraître répondre avec trop de vivacité â un évêque de ma communion, et de relever certains points dans la lettre de celui qui me relevait moi-même, alors surtout que je croyais y voir certaines traces d’hérésie. un ignorant ; qu’il s’était enfin rencontré quel
3. Je ne voulais pas enfin que vous pussiez vous plaindre avec justice et que vous fussiez en droit de me dire : Eh quoi, ma lettre était tombée sous vos yeux, vous aviez découvert dans la suscription les signes d’une main connue ; et vous avez été si prompt à blesser un ami, à faire retomber sur moi la malice d’un autre ? Ainsi donc, comme je vous l’ai déjà dit, ou bien envoyez cette même lettre signée de votre main, ou bien cessez de provoquer un vieillard qui se tient caché dans sa cellule. Si tant vous voulez exercer ou montrer votre science, cherchez des hommes jeunes, diserts, distingués, comme on dit qu’il y en a tant à Rome, des jouteurs qui aient la force et le courage d’entrer en lutte avec vous, et qui, dans la discussion des divines Écritures, puissent marcher de pair avec un évêque. Quant à moi, soldat jadis, aujourd’hui vétéran, je ne dois plus que louer vos victoires et celles des autres ; avec un corps épuisé, il ne faut pas songer à descendre dans l’arène. Si toutefois vous me pressez trop souvent de vous répondre, je pourrais bien me souvenir du passage où l’histoire nous montre Annibal venant briser les élans de la jeunesse contre la patience du vieux Fabrius. « L’âge emporte tout, et l’esprit même ; je me rappelle qu’étant enfant j’ai plus d’une fois passé les journées entières à chanter mes vers. Ils sont maintenant tombés de ma mémoire ; la voix elle-même a désormais abandonné Moeris. » Virgil. Eglog. ix. Mais je prendrai plutôt mon exemple dans les Livres saints : Berzellaï de Galaad renvoie les bienfaits de David et tous les plaisirs à son jeune fils, nous montrant ainsi que la vieillesse ne doit plus courir après ces choses, ni même les accepter quand elles lui sont offertes. II Reg. XIX.

4. Quand vous m’assurez que vous n’avez pas écrit de livre contre moi, et qu’à plus forte raison vous n’en avez pas envoyé à Rome ; que, s’il se trouve dans vos écrits des choses qui s’éloignent de mon sentiment, vous n’avez pas eu l’intention de me blesser, ayant simplement exprimé ce qui vous paraissait juste ; je vous prie de m’écouter avec patience. Vous n’avez donc