Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 8, 1879.djvu/489

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ce que je croyais, moi qui n’avais pas en mon pouvoir la parole de Dieu, ni le droit de dire : « Par vos commandements j’ai compris ; » Psa. 118, 104 ; moi qui ne me souvenais pas de cette béatitude évangélique : « Heureux ceux dont le cœur est pur, parce qu’ils verront Dieu. » ! Mat. 5, 8. Le charbon retiré de l’autel n’avait pas encore purifié IDes lèvres. Isa. 6, 1 seqq. L’erreur provenant de l’ancienne ignorance n’était pas encore dissipée par le feu de l’Esprit saint, et je disais hardiment au Seigneur : « Me voici, envoyez-moi. »

J’espérais que mon écrit restait caché dans mes tablettes, j’avais même voué aux flammes ce téméraire essai d’un esprit novice, quand tout-à-coup un eXèmplaire me fut apporté d’Italie par un jeune homme pas plus âgé que je ne l’étais moi-même lors de cette composition, et louant fort mon opuscule. Il n’est donc auteur de si mauvais écrit, me disais-je avec surprise, qui ne trouve un admirateur digne de lui. Il se répandait en éloges, j’étais dans la confusion ; il portait au ciel ma pénétration mystique, et moi, baissant la tête, j’étais dans l’impossibilité de confesser ma honte. Est-ce à dire pour cela que nous condamnons les premiers jeux de notre enfance ? Nullement ; nous savons que dans le divin tabernacle étaient offerts l’or et le poil des chèvres. Nous avons lu dans l’Évangile, Mrc. 12, 1 seqq. que les deux deniers de la pauvre veuve furent mieux agréé que les présents des riches. Nous avons alors donné ce que nous avions ; maintenant, si même nous avons fait quelques progrès, nous rapportons à Dieu ses propres dons. « C’est par la grâce de Dieu que je suis ce que je suis. » 1Co. 15, 10. Pendant ces trente années, je n’en disconviens pas, aucune fatigue, aucune difficulté ne m’a détourné de son œuvre. Il est un père clément ; il se hâte d’accueillir le fils qui revient à lui ; il n’attend pas qu’une autre main ouvre la porte. Poussé par la jalousie, le frère aîné a beau traiter le second d’impudique et d’étranger, la symphonie des chœurs célestes et l’accord de toutes les vertus célèbrent le retour du prodigue. Luc. 15, 1 ss.

C’était le temps, cher Pammachius, ce temps plus doux que la lumière, où, sortant de l’école des rhéteurs, nous entrions dans des voies diverses, quand le bien-aimé Héliodore et moi avions résolu d’habiter ensemble le désert de la Syrie chalcidique. Ce que je croyais caché fut lancé dans le public. Je repasserai donc par une route déjà parcourue, redressant, si c’est possible, les linéaments irréguliers. Enfant, je ne savais pas écrire ; mes doigts tremblaient, ma main était incertaine. Aujourd’hui, si je n’ai pas appris autre chose, du moins ai-je gravée dans l’esprit cette sentence de Socrate : « Je sais que je ne sais rien. » Cicéron, ton auteur préféré, disait de même que des essais incomplets lui avait échappé dans son adolescence. S’il a pu parler ainsi de ses livres à Hérennius et de ses traités de rhétorique, que j’estime si parfaits,