Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 8, 1879.djvu/517

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endroit, pour le plier au joug de la même allégorie ? et chaque endroit ne doit-il pas plutôt, selon la diversité de l’histoire, recevoir un sens spirituel différent ? De même donc que ces témoignages ont leurs interprétations, et que ni ceux qui les suivent ni ceux qui les précèdent ne demandent la même explication allégorique, de même la prophétie de Jonas ne saurait, sans grand péril pour l’interprète, être appliquée tout entière à la figure du Seigneur, se baserait-on sur ce qui est dit dans l’Évangile : « Cette race méchante et adultère demande un prodige, et, on ne lui en donnera point d’autre que celui du prophète Jonas : comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine, ainsi le Fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le cœur de la terre. » Mat. 12, 39-40.

« Mais le Seigneur envoya sur la mer un vent furieux, et une grande tempête s’étant élevée, le vaisseau était en danger d’être brisé. » Jon. 1, 4. Les Septante : « Le Seigneur suscita un grand vent sur la mer, et une grande tempête s’étant élevée, le vaisseau était en danger d’être brisé. » La fuite du Prophète peut aussi s’appliquer à l’homme en général, qui, méprisant les préceptes de Dieu, s’est éloigné de sa face, et s’est livré au monde, où plus tard la tempête du mal et le naufrage du monde entier sévissant contre lui, il a été obligé de reconnaître le doigt de Dieu et de revenir à celui qu’il avait fui. D’où nous comprenons que les choses que les hommes pensent leur être un moyen de salut, si la volonté divine n’y souscrit, se tournent en instruments de leur perte, et que, outre que leur secours est vain pour ceux à qui il est offert, ceux-là même qui l’offrent sont brisés pareillement. C’est ainsi que l’Égypte fut vaincue par les Assyriens, parce qu’elle était venue en aide il Israël contre la volonté du Seigneur. Le vaisseau qui a reçu celui qui était en danger est en danger lui-même ; le vent soulève les flots, la tempête naît au milieu du calme, et à cause de l’opposition de Dieu, rien n’est en sécurité.

« La peur saisit les mariniers, chacun invoque son dieu à grands cris, et ils jetèrent dans la mer toute la charge du vaisseau pour le soulager. » Jon. 1, 5. Les Septante : « La peur saisit ceux qui étaient sur le vaisseau, chacun cria vers son dieu, et ils jetèrent toute la charge du navire à la mer pour l’alléger. » Ils croient que le vaisseau s’enfonce sous sa charge ordinaire, et ils ne comprennent pas que tout le poids provient de ce qu’il porte le Prophète fugitif. Les mariniers craignent, chacun crie vers son dieu ; ils ignorent la vérité, ils n'ignorent pas la providence, et, dans l’erreur de leur superstition, ils savent qu’il y a quelque chose qu’il faut vénérer. Ils jettent la charge dans la mer, afin que le vaisseau plus léger franchisse les flots soulevés. Israël, au contraire, ni par les bienfaits ni par les maux ne comprend