Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 8, 1879.djvu/518

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Dieu ; quand Jésus-Christ pleure sur lui, il a les yeux secs.

« Cependant, Jonas étant descendu au fond du navire, dormait d’un profond sommeil » Jon. 1, 5. Les Septante : « Or, Jonas descendit dans les flancs du navire, et il dormait du plus lourd sommeil. » Au sens historique, on nous montre l’esprit plein de sécurité du Prophète : il n’est troublé ni par la tempête, ni par les dangers, ayant la même égalité d’lime et pendant le calme et lorsque le naufrage est imminent. Lorsque les autres crient vers leurs dieux, jettent leurs marchandises, et que chacun fait tout ce dont il est capable, il est si en repos, en sécurité, en tranquillité d’âme, que, descendant dans le fond du vaisseau, il jouit d’un sommeil profond. Voici encore ce que l’on peut dire : Il avait conscience de sa fuite, du péché d’avoir négligé les préceptes du Seigneur, et quand les autres l’ignorent, il sait que la tempête sévit contre lui ; c’est pour cela qu’il descend dans l’intérieur du navire, et, dans sa tristesse, il se cache, pour ne point voir les flots s’enfler contre lui comme des vengeurs divins. S’il dort, c’est l’effet, non de la sécurité, mais du chagrin. L’Évangile l’apporte qu’au moment de la Passion du Seigneur, les Apôtres furent plongés dans un lourd sommeil, à cause de l’excès de leur tristesse. Mat. 26, 1. seqq. Si nous interprétons au figuré, le sommeil du Prophète, sa léthargie profonde est l’image de l’engourdissement dans l’erreur de l’homme, à qui il ne suffit pas d’avoir voulu fuir de devant la face de Dieu, et dont l’âme, écrasée par une sorte de folie, ignore la colère divine et ressemble à un donneur plein de sécurité dont la respiration égale trahit bruyamment le sommeil profond.

« Le pilote s’approcha de lui et lui dit : Comment pouvez-vous ainsi dormir ? Levez-vous, invoquez votre Dieu, et peut-être que Dieu se souviendra de nous, et ne permettra pas que nous périssions. » Jon. 1, 6. Les Septante : « Le timonier s’approcha de lui et lui dit : Comment pouvez-vous être ainsi couché ? Levez-vous, invoquez votre Dieu, et peut-être que Dieu nous sauvant do quelque manière, nous ne périrons pas. » Il est naturel que chacun, dans son propre danger, espère plus d’autrui que de lui-même ; aussi le pilote ou le timonier, qui avait à consoler les matelots timides, voyant la grandeur du péril, gourmande le dormeur, lui reproche son imprévoyante sécurité, et l’exhorte à prier Dieu lui-même pour sa part, en sorte que le danger étant commun, il y eut une commune prière. Au figuré, il y a un grand nombre d’âmes qui, naviguant avec Jonas et ayant leurs dieux particuliers, vont avec empressement vers la contemplation de la joie. Mais après que Jonas aura été la proie du sort, et que, par sa mort, aura été apaisée la tempête du monde et la tranquillité rendue il la mer, le vrai Dieu sera seul adoré et on lui immolera les victimes spirituelles qu’on n’avait pas certainement au milieu des flots de la mer du monde.

« Ils se dirent ensuite l’un à l’autre : Allons,