Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 8, 1879.djvu/538

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et les temps, et réservez pour les châtiments des siècles et des siècles encore : si la fin de tout cela est semblable pour tous, tout le passé n’est rien, parce que nous nous attachons, non pas Ace que nous avons été transitoirement, mais Ace que nous serons pour toujours. Mais ce n’est pas ici le lieu d’écrire plus longuement contre ce dogme pervers et contre le piège diabolique de ceux qui enseignent secrètement ce qu’ils nient en public. Il nous suffira d’indiquer notre sentiment sur le texte que nous analysons, et, comme le veulent des commentaires, d’expliquer en peu de mots qui est ce roi de Ninive, à qui la parole de Dieu parvient en dernier lieu.

Quelle est la puissance chez les hommes de l’éloquence profane et de la sagesse selon le monde, on le voit par Démosthènes, Cicéron, Platon, Xénophon, Théophraste, Aristote, et les autres orateurs et philosophes, qui sont regardés comme les rois des hommes et dont les préceptes sont reçus, non pas comme des enseignements de mortels, mais comme des oracles de dieux. De là le langage de Platon : Heureuses les républiques, si les philosophes y étaient rois, ou si les rois y étaient philosophes. Sur ce qu’il est bien difficile que de tels hommes croient en Dieu, je néglige l’expérience de chaque jour et je passe sous silence les exemples que donnent les histoires de l’antiquité païenne, pour m’en tenir au témoignage de l’Apôtre, qui écrivait aux Corinthiens : « Considérez, mes frères, qui sont ceux d’entre vous qui ont été appelés a la foi. Il y en a peu de sages selon la chair, peu de puissants et peu d’illustres ; mais Dieu a choisi les moins sages selon le monde pour confondre les sages, il a choisi les faibles selon le monde pour confondre les forts, il a choisi les plus vils et les plus méprisables selon le monde. » etc. 1Co. 1, 26-28. De là la parole de l’Écriture : « Je détruirai la sagesse des sages, et je rejetterai la science des savants ; » Ibid, 19 ; et ce que Paul dit encore : « Prenez garde que quelqu’un ne vous séduise par la philosophie et par de vaines subtilités. » Col. 2, 8. Par tout cela, il est évident que les rois du monde sont les derniers à entendre la prédication de Jésus-Christ, à se dépouiller du faux éclat de l’éloquence et des vaines fleurs du langage, revenir à la vérité simple et sans apprêt, à s’asseoir dans la cendre de l’humble foi du peuple, a détruire ce qu’ils avaient d’abord prêché. Nous en avons un exemple dans saint Cyprien : d’abord soutien de l’idolâtrie, il acquit une telle renommée d’éloquence, qu’il enseigna l’art oratoire à Carthage ; mais il entendit enfin la parole de Jonas, et, s’étant tourné vers la pénitence, il parvint à un tel degré de vertu, qu’il confessa publiquement Jésus-Christ et tendit pour lui le cou au glaive du bourreau, Voila un roi de Ninive qui descendit de son trône, et qui échangea la pourpre contre un cilice, les onguents parfumés contre de la boue, non point la houe des sens, mais