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Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 9, 1881.djvu/156

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les plus grasses victimes comme à un vaste filet, en obligeant tous les peuples qu’il avait vaincus à l’adorer. C’est par les idoles qu’il croyait avoir, en quelque sorte, engraissé sa puissance, et aussi son héritage, c’est-à-dire la possession de toutes les richesses ; il assujettit en outre à son empire tous les princes et les rois, comme de grands poissons, et c’est ce qu’il appelle des aliments choisis. Comme cette pêche des plus abondantes l’a rassasié, et que son filet, c’est-à-dire son armée, regorge, il ne cesse de mettre les peuples à mort, c’est-à-dire de les faire combattre et se massacrer entre eux.

D’après les Septante, le diable impie – qui opprime le juste, pour qui les hommes sont comme des poissons de la mer, et dévaste tout comme des reptiles qui n’ont pas de chef – a lancé son hameçon, ennemi de celui dont se servit l’apôtre Pierre pour prendre le premier poisson, dans la bouche duquel fut trouvée la pièce d’argent de quatre drachmes ; [1] ; et à cet hameçon de l’ennemi se prit Adam, qu’il attira hors du paradis dans ses rets ; et il le couvrit de ses filets, les ruses et les fraudes diverses et multipliées qu’il met en œuvre. De là sa joie et la pensée que ses pièges sont plus puissants que les ordonnances du Seigneur. Il immolera alors des hosties, non pas à son hameçon, qui est la figure de la doctrine mensongère et qui n’est que le premier engin dépêché, mais à ses rets, parce que c’est par lui qu’il a pris les victimes les plus grasses, que « plusieurs sont devenus pécheurs par la désobéissance d’un seul homme », [2], que nous sommes tous morts en Adam,[3], et que tous les saints ensuite ont ôté pareillement chassés du paradis avec lui. Aussi le diable est-il friand de mets choisis, au point de vouloir, comme parle le Psalmiste », ravir sa nourriture à la table même de Dieu », [4], en cherchant à amener la chute des prophètes et des apôtres. Ayant trompé le premier homme, il ne cesse de semer la mort chaque jour parmi tout le genre humain.

On peut aussi appliquer ce passage à la doctrine mensongère et multiple des hérétiques. Eux aussi, avec leur hameçon, leurs rets et leurs filets, ils prennent en grand nombre des poissons et des reptiles. C’est là le sujet de leur joie. De là vient aussi qu’ils rendent l’adoration due à Dieu à leur propre parole, au moyen de laquelle ils ont pu persuader et tromper ; ils en font l’objet de leur culte, ils la polissent sans cesse ; ils mettent tout leur art à servir cette éloquence, grâce à laquelle ils savent qu’ils ont mis à mort un si grand nombre.de victimes, et trompé des plus grands parmi les puissants et les saints, que l’Écriture appelle ici leur gras héritage et leurs viandes choisies. C’est pourquoi, semblables aux bêtes qui, après avoir une première fois goûté au sang, en sont toujours altérées, ils étendent leurs filets, et ils ne se

  1. Mat. 17, 1
  2. Rom. 5, 19
  3. 1Co. 15, 1
  4. Psa. 103, 21