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Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 9, 1881.djvu/76

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» Quelle utilité retirera-t-on de mon sang, puisque je descends dans la corruption ? » Psa. 29, 10. D’autres affirment qu’il ne convient nullement à sa personne de dire : « Malheur à moi, qui suis devenu semblable au glaneur après la moisson ! » lui qui a dit dans l’Évangile : « Levez les yeux et considérez les campagnes qui sont déjà blanches et prêtes pour la moisson ; » Jn. 4, 30; et ailleurs : « La moisson est abondante et les ouvriers sont en petit nombre. » Mat. 9, 37. Ceux qui veulent que le passage s’entende du Sauveur, répliquent qu’il n’est pas étonnant qu’il dise : « Malheur à moi ! » lui qui pleura sur Jérusalem, Luc. 19, 1 ss et qui versa des larmes sur Lazare mort. Jn. 11, 35. Quant aux mots : « Je suis devenu semblable au glaneur après la moisson », ils les rapportent à la fin des temps, qui est bien aussi la moisson, et ils disent qu’alors cette prophétie pourra s’accomplir, lorsque l’iniquité s’étant multipliée, la charité d’un grand nombre se sera refroidie », Mat. 24, 12 et que le Fils de l’homme venant trouvera bien la foi rare sur la terre. Luc. 18, 8. Alors on trouvera à peine, comme les épis après la moisson et des grappillons après la vendange, quelques-uns qui aient gardé un peu de foi au milieu de la défection de tous ; et ces commentateurs ajoutent que le Sauveur parle ainsi en tant que homme, ce qui est prouvé par ce qui suit : « Malheur à moi, mon âme ! » cette âme dont il a dit : « Mon âme est triste jusqu’à la mort. » Mat. 26, 38. On ne trouve plus de piété sur la terre, soit que l’Antéchrist ait mis à mort les saints, soit que tous se ruent dans les plus grands scandales. « Il n’y a plus d’homme qui puisse corriger le prochain : tous sont jugés dans le sang », non pour des fautes légères, mais pour les plus grandes, celles qui ont trait au sang. Le voisinage, l’amitié, la parenté n’arrêtera pas le crime ; tous lèveront la main vers le mal, en sorte que celui qui ne pourra pas faire le mal, péchera néanmoins dans sa volonté, en préparant ses mains à l’accomplir. Le prince lui-même demande, et le juge prononce des paroles de paix, parce qu’il reçoit des présents, objet de tous ses désirs. Cela est clair, et, comme je me tiens en garde contre l’envie des princes et des juges, je l’abandonne à la sagacité du lecteur, me contentant d’ajouter ceci : « Les présents aveuglent les yeux même des sages. » Deu. 16, 19. Ils vivifient l’âme qu’ils ne devaient pas vivifier, et ils mettent à mort celle qui vit par son mérite et par ses vertus, et ils agissent ainsi à cause des dons qu’ils demandent avec impudence et qu’ils reçoivent pour leur honte. Le Seigneur lance contre eux cette menace : « Je leur ôterai leurs biens », ce qu’ils croient, ce qui leur semble des biens. Au reste, on ne saurait appeler de vrais biens, ce qui dépouille celui qui donne et qui tue celui qui reçoit. En outre, c’est moins